| L'enfant  ne sait pas comment grandit son corps physique ; il en est de même pour  l'aspirant qui n'a souvent pas connaissance de la loi selon laquelle il avance  vers la destination de son voyage spirituel.L'aspirant  est généralement conscient de la manière dont il réagit aux diverses situations  de la vie, mais il l'est rarement de la façon dont il progresse vers la  connaissance de Soi. Sans le savoir consciemment, l'aspirant arrive peu à peu à  la connaissance de Soi en parcourant le chemin intérieur, à travers ses joies  et ses peines, ses bonheurs et ses souffrances, ses réussites et ses échecs,  ses efforts et ses repos ; à travers ses moments de claire perception et  d'harmonie de caractère, comme ses moments de confusion et de conflit. Toutes  ces choses sont la manifestation des divers sanskaras provenant de son passé et  l'aspirant se fraye un chemin vers la connaissance de Soi dans l'enchevêtrement  de ces sanskaras comme le voyageur qui se taille un passage à travers les  broussailles d'une épaisse forêt.
   Portée et fonctionnement de la conscience On  peut comparer la conscience humaine à un faisceau lumineux qui révèle l'existence et  la nature des choses. L'espace éclairé par ce faisceau lumineux dépend du moyen  qui sert à sa projection, à l'exemple de la personne qui, confinée sur un  bateau, peut évoluer partout à la surface de l'eau mais ne peut accéder aux  endroits reculés de la terre et des airs. Le fonctionnement réel du faisceau  lumineux de la conscience est déterminé par accumulation des sanskaras tout  comme le cours des petits torrents qui dévalent la pente d'une montagne dépend  des gorges créées par les contours naturels de la montagne.   L'homme ordinaire n'est conscient que du monde  grossier  Dans  le cas de l'homme ordinaire, la sphère de vie et le champ d'action se trouvent  limités au monde grossier parce que chez lui le faisceau lumineux de la  conscience éclaire le corps physique et fonctionne à travers lui. Puisque son  seul véhicule est le corps grossier, il est conscient de tout ce qui est du  domaine du monde grossier, mais il est incapable d'établir un contact conscient  avec les réalités subtiles et mentales. La sphère grossière constitue donc le  domaine de l'homme moyen, et toutes ses activités, toutes ses pensées tendent à  se diriger vers les objets grossiers qui sont à sa portée. Mais pendant tout ce  temps, il demeure inconscient des sphères subtiles et mentales de l'existence  puisque le faisceau lumineux de sa conscience ne passe ni par le corps subtil  ni par le corps mental.   Identification avec le corps physique  A  ce stade, l'âme est consciente du monde grossier, mais est complètement  ignorante de sa vraie nature. Elle s'identifie avec le corps grossier sur  lequel se porte le faisceau lumineux de sa conscience, et ceci devient  naturellement la base de toutes les activités qui sont à sa portée. L'âme ne se  connaît pas directement par elle-même, mais au moyen du corps physique. Et  puisque toute la connaissance qu'elle peut acquérir par le corps physique  laisse supposer que celui-ci est le centre des activités, elle se prend pour le  corps physique lequel n'est en fait que son instrument. L'âme  s'imagine donc être homme ou femme, jeune ou vieille, et s'attribue les  changements et les limitations du corps.   Identification avec le corps subtil  Après  de nombreuses vies dans le cadre offert par le monde grossier, les impressions  qui s'y rapportent finissent par s'affaiblir en raison de l'expérience  prolongée des pôles opposés, tels qu'une grande joie ou une souffrance intense.  L'affaiblissement des impressions est le commencement de l'éveil spirituel qui  consiste pour le faisceau lumineux de la conscience à se détacher peu à peu de  la fascination du monde grossier. Lorsque ceci se produit, les impressions  grossières deviennent subtiles, ce qui permet à l'âme de transférer facilement  la base de son fonctionnement conscient, du corps grossier au corps subtil. Le  faisceau lumineux de la conscience éclaire maintenant le corps subtil qui  devient son véhicule à la place du corps grossier. Le monde grossier disparaît  donc entièrement de la conscience de l'âme, qui devient consciente du seul  monde subtil. La sphère subtile de l'existence constitue alors le contexte de  sa vie, et l'âme se prend maintenant pour le corps subtil qui devient le centre  de toutes ses activités et qu'elle perçoit comme tel. Même quand l'âme devient  consciente de ce qui est subtil, elle demeure ignorante de sa vraie nature  puisqu'elle ne peut se connaître directement elle-même par elle-même, mais  seulement au moyen du corps subtil. Cependant,  le fait que le champ d'action passe de la sphère grossière de l'existence à la  sphère subtile est un événement d'une importance considérable. Dans la sphère  subtile, les normes conventionnelles du monde grossier sont remplacées par de  nouvelles normes plus proches de la Vérité, et un nouveau mode de vie est rendu  possible grâce à la naissance de nouveaux pouvoirs et à une libération  d'énergie spirituelle. La vie dans le monde subtil n'est qu'une phase du  parcours spirituel et est loin d'en être le but ; mais parmi les millions  d'âmes conscientes du monde grossier, rare est celle qui peut devenir  consciente du monde subtil.   Identification avec le corps mental  Les  impressions en rapport avec le monde subtil s'épuisent à leur tour à l'aide de  certaines formes de pénitence ou de yoga. Ceci aide la conscience à se retirer  davantage en elle-même, permettant ainsi au faisceau lumineux de se projeter  sur le corps mental et de fonctionner à travers lui. La rupture des liens  conscients avec le corps grossier et le corps subtil signifie que la sphère  grossière et la sphère subtile de l'existence se trouvent complètement exclues  du champ de la conscience. L'âme est maintenant consciente du monde mental qui  offre la possibilité d'une compréhension spirituelle plus profonde et une  perception plus claire de la Vérité ultime. Dans  ce nouveau cadre, celui de la sphère mentale, l'âme jouit d'une inspiration  continue, d'une profonde connaissance intérieure et d'une intuition  infaillible, et elle est en contact direct avec la Réalité spirituelle. Bien  qu'elle soit en contact direct avec Dieu elle ne se voit pas elle-même comme  Dieu puisqu'elle ne peut pas se connaître elle-même directement, mais seulement  au moyen du mental individuel. Se connaissant par l'intermédiaire du mental  individuel, elle se prend pour le mental individuel puisqu'elle considère celui-ci  comme étant la base et le centre de toutes ses activités.  Bien  que l'âme soit beaucoup plus proche de Dieu que dans les sphères grossière et  subtile, elle est encore dans le monde des ombres et continue à se sentir  séparée de Dieu à cause du voile créé par les impressions qui se rapportent à  la sphère mentale. Le faisceau lumineux de la conscience fonctionne à travers  le mental individuel limité, et il ne peut donc donner à l'âme la connaissance  d'elle-même telle qu'elle est. Bien que l'âme ne se soit pas encore réalisée  comme Dieu, sa vie dans la sphère mentale de l'existence représente un  formidable pas en avant au-delà de la sphère subtile. Parmi les millions d'âmes  conscientes du monde subtil, rare est celle qui peut entrer en contact  conscient avec la sphère mentale de l'existence.    Nécessité d'un Maître  Un  aspirant peut s'élever seul, par ses propres efforts, jusqu'à la sphère mentale  de l'existence, mais abandonner le corps mental, c'est renoncer à l'existence  individuelle. Ce dernier pas, le plus important, ne peut être accompli qu'avec  l'aide d'un Maître Parfait, lui-même réalisé en Dieu. Parmi les millions d'âmes  conscientes de la sphère mentale, rare est celle qui peut retirer du mental individuel  le faisceau lumineux de la conscience. Un tel retrait implique l'effacement  complet des dernières traces laissées par les impressions qui se rapportent à  la vie mentale de l'âme. Quand le faisceau lumineux de la conscience n'est plus  dirigé sur aucun des trois corps, il sert à réfléchir la vraie nature de l'âme.   Connaissance de Soi directe  L'âme  a maintenant la connaissance directe d'elle-même sans dépendre d'aucun  intermédiaire ; elle ne se voit plus comme un corps fini, mais comme Dieu  Infini, et elle se sait être elle-même la seule réalité. Lors de ce moment  décisif, le plus important de la vie de l'âme individualisée, il y a rupture  complète de tout lien avec les trois corps. Puisque  la conscience des différentes sphères de l'existence dépend directement des  corps correspondants, l'âme est maintenant complètement oublieuse de l'univers  entier. Le faisceau lumineux de la conscience n'est plus dirigé sur quelque  chose d'étranger ou d'extérieur, mais sur l'âme elle-même. L'âme est  maintenant réellement consciente d'Elle-même et est parvenue à la connaissance  de Soi.    La fausse connaissance de soi est un succédané  temporaire  La  progression vers la connaissance de Soi à travers les trois sphères de  l'existence s'accompagne de l'acquisition d'une fausse connaissance de  soi qui consiste à s'identifier avec le corps grossier, le corps subtil, puis  le corps mental suivant les étapes de cette progression. Ceci est dû au but  initial de la création qui est de rendre l'âme consciente d'elle-même. L'âme ne  peut avoir une vraie connaissance d'elle-même qu'à la fin du voyage spirituel,  et toutes les fausses connaissances de soi intermédiaires sont, en quelque  sorte, des succédanés temporaires de la vraie connaissance de Soi. Ce sont des  erreurs nécessaires à l'effort pour arriver à la vraie connaissance de Soi. Puisque  le faisceau lumineux de la conscience est dirigé tout au long du voyage sur les  objets qui sont autour de l'âme et non pas sur l'âme elle-même, celle-ci a  tendance à se laisser tellement absorber par ces objets qu'elle en oublie  presque complètement son existence et sa nature propre. Le danger de cet oubli  de soi total et permanent est contrebalancé par l'affirmation de soi que l'âme  acquiert au moyen du corps qui se trouve alors utilisé comme point de  convergence du faisceau lumineux de la conscience. L'âme se prend ainsi pour  son corps et elle prend les autres pour leurs corps respectifs, entretenant  ainsi un monde de dualité où il y a sexualité, compétition, agressivité,  jalousie, peur réciproque, et ambition égocentrique et exclusive. Se connaître soi-même  au moyen d'un repère externe est donc pour l'âme source de confusion, de  complications et d'enchevêtrements incalculables.   Histoire de la citrouille  On  peut illustrer cette forme d'ignorance par la célèbre histoire de la citrouille  à laquelle fait allusion le poète persan Jami dans l'une de ses stances. Il  était une fois un homme distrait qui n'avait pas son pareil pour oublier les  choses, même sa propre identité. Il avait un ami intelligent et de toute  confiance qui voulait l'aider à se souvenir de lui-même. Cet ami lui attacha  une citrouille au cou et lut dit : « Ecoute mon vieux, un de ces jours tu  seras capable de te perdre complètement et de ne plus savoir qui tu es. Alors,  comme repère je t'attache cette citrouille autour du cou, pour que chaque matin  à ton réveil, tu voies la citrouille et saches que c'est toi qui es là ». Chaque  matin à son réveil, l'homme distrait voyait la citrouille et se disait « Je  ne suis pas perdu ! ». Au bout d'un certain temps, alors que l'homme avait  pris l'habitude de s'identifier à l'aide de la citrouille, l'ami demanda à un  inconnu de demeurer auprès du distrait, de détacher la citrouille de son cou,  et de l'attacher à son propre cou. Ce que fit l'inconnu, et quand l'homme  distrait s'éveilla le matin, il ne vit plus la citrouille à son cou. Il se dit  en lui-même « Je suis perdu ! ». Puis il vit la citrouille au cou de  l'autre homme et lui dit : « Vous êtes moi ! Mais alors, qui suis-je ? ».   Explication de l'analogie  L'histoire  de la citrouille présente une analogie avec les différentes formes de fausse  connaissance de soi qui proviennent de l'identification avec le corps. Se  connaître soi-même comme le corps, c'est se connaître au moyen de la  citrouille. Le trouble causé par la non-identification avec le corps grossier,  le corps subtil, puis le corps mental, est comparable au désarroi de l'homme  distrait qui ne voit plus la citrouille à son cou ; et le moment où le  sentiment de dualité commence à s'estomper est comparable à l'identification de  l'homme à l'inconnu qui porte la citrouille. Par la suite, si le distrait de  l'histoire en venait à apprendre à se connaître lui-même par lui-même  indépendamment de tout repère extérieur, sa connaissance de soi serait  comparable à la vraie connaissance de Soi de l'âme, qui après avoir cessé de  s'identifier aux trois corps, sait qu'elle n'est autre que Dieu infini.  Parvenir à cette connaissance de Soi est le vrai but de la création. |